Jean-Luc Moerman
 
tatouage

En parallèle à l’exposition « Connecting Everything » au BPS22, l’espace d’exposition Incise à invité Jean Luc Moerman à investir sa vitrine qui, pour l’occasion, s’étend à l’atelier du tatoueur voisin. Une série de tatouages créés par l’artiste sont disponibles durant la durée de l’exposition. Ces motifs organiques d’inspiration tribale sont réalisés chez Bob Tattoo World (bld Tirou, 139). A travers ce projet, Jean Luc Moerman se connecte à la ville par le truchement de notre vitrine d’exposition, mais aussi par celui des corps : surfaces mobiles et singulières, ceux-ci sont les nouveaux vecteurs d’une œuvre virale investissant tous les territoires, ici les plus intimes.

Dans la vitrine, l’artiste expose sur un fond orange fluorescent une image détournée du Christ en croix de Vélasquez. Comme il l’a fait pour Kate Moss, Pamella Anderson, Eddy Merx ou plus récemment  Barak Obama, Jean Luc Moerman investit son support à l’encre noire, étend sur le corps des entrelacs de traits dynamiques et denses figurant un tatouage. Cet artifice enveloppe, fétichise, lie cette figure iconique à sa matérialité corporelle. Réduit à l’échelle de son corps, le Christ symétrique et figé de Vélasquez redevient matière.  Ici, le tatouage déshabille plus qu’il ne complète. Il semble émerger du dedans, débordant presque la surface de l’image.

En tatouant le Christ, Jean Luc Moerman s’inscrit dans l’histoire à reculons : en 50, la conférence de Jérusalem réunissant les « apôtres historiques » et saint Paul annonce la fin du judéo-christianisme. La question centrale est celle-ci : faut-il être juif pour être chrétien ? Pratiquement, le christianisme doit-il reprendre ou non la tradition du marquage corporel, ici la circoncision ? Pour Paul, l’universalité du Christ exige un rapport  dématérialisé à Dieu. « La circoncision n’est rien et l’incirconcision n’est rien non plus. » (Cor. I.7.19) Se faisant, Paul libère le christianisme de la tradition juive - le marquage corporel comme signe de fidélité- et universalise la figure du Christ. La conquête du monde peut commencer. Loin du communautarisme juif, Paul portera la nouvelle de la résurrection partout où il peut se faire entendre. Dans cette perspective, tatouer le Christ revient d’une certaine manière à rendre à César ce qui lui appartient : parce qu’il n’a jamais cessé d’être un enjeu communautaire, parce que les guerres de Religions ont repris, parce que les maîtres du monde trouvent en lui leur justification, il est au centre d’une époque reprenant à son compte le conflit judéo-chrétien. En d’autres termes, l’Occident est-il encore porteur d’universalité ? Pour Jean-Luc Moerman, la réponse semble claire : outre un être tatoué et donc resingularisé, le Christ se décline aussi sous la forme de battes de base ball (1)…

Lié à l’histoire, ce Jésus l’est aussi à une œuvre qui sous ses allures faussement néo-pop, décline à l’envi une thématique guerrière : marquage du territoire, impacts, peinture virus, sac bouclier, tigre, avion de chasse « parce qu’on vit une époque de fou »(2) …l’art de Jean Luc  Moerman est, à tout le moins, un sport de combat. Assimilant les époques, la nature et la culture, l’artiste s’en prend directement aux catégorisations modernes structurant notre rapport au monde. Il fabrique des hybrides résistant à toutes démarches classificatoires. Par là, Jean Luc Moerman remet en question notre modernité. En témoigne cette Ford Mustang et son gardien en armure(3) : n’en déplaise aux modernes, nous n’avons jamais quitté le Moyen Age.

B.Dusart, 2008.

jean-luc moerman, christ vélasquez, incise, 2009

(1) Trois exemplaires de ces battes sont visibles au BPS22.
(2) In Victoire, en supplément du journal Le Soir, 27.09.08. 
(3) visibles aussi au BPS22.

 

http://toutlemondedanse.canalblog.com/archives/2008/07/28/10068871.html

http://www.jlmoerman.com
http://www.galerierodolphejanssen.com
http://bps22.hainaut.be

 

 
 
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  Bob Tattoo World
139, bld Tirou
6000 Charleroi
071/70 35 53